1° How do you analyze the present situation of rent capitalism?
La
situation actuelle se caractérise par une hégémonie des rentiers et une
relégation du travail industriel. Après s'être constitué une puissante
force matérielle grâce au capitalisme industriel (1850-1970), les pays
développés ont pu imposer leur souveraineté monétaire sur le monde (1971
pour les États-Unis d’Amérique). Ceci leur a permis d'émettre de la
monnaie autant que de besoin, d'acheter les marchandises étrangères avec
du papier et de permettre à leurs citoyens de s'endetter et consommer
sans limite. Ce seigneuriage monétaire permet donc de consommer sans
produire et vivre à crédit sur le reste du monde. C'est une rente. Le
travail de production matérielle se trouve de ce fait relégué ailleurs
dans des pays exotiques (Chine par exemple). Sur ces rentes monétaires
issues de l'exercice d'une souveraineté incontestée sur le monde et
garantie par une force militaire sans précédent, viennent se greffer des
rentes liées à la circulation de cette monnaie et que l'électronique
vient amplifier et multiplier. A son tour, la sécurité des mouvements
monétaires exige une hégémonie souveraine forçant les autres États à
laisser les revenus et les capitaux entrer et sortir librement. Cette
liberté permet en fin de compte d'investir et de faire travailler les
gens partout dans le monde tout en rapatriant de façon sûre les
bénéfices. C'est pourquoi les entreprises industrielles peuvent se
globaliser en fractionnant leur cycle de production dans différents
pays. La conséquence en est une désindustrialisation des pays qui
s'enrichissent grâce aux rentes de souveraineté. Si l'industrie
régresse, elle est remplacée par des activités rentières de haut niveau
scientifique qui permettent d'engranger des redevances liées aux brevets
qui les protègent (logiciels, molécules, etc.). Au départ donc des
rentes de seigneuriage monétaire qui engendrent, grâce à une puissante
souveraineté garante des différents droits, des rentes financières,
scientifiques et culturelles.
2° In your opinion, how is the situation likely to evolve over the next 5 years?
On
aurait pu penser que le monde globalisé se diviserait en deux : d'un
côté, les pays rentiers à souveraineté monétaire hégémonique
(États-Unis, Europe) tirant leur richesse de la puissance militaire, du
seigneuriage monétaire, de la force de leur système financier, de la
créativité de leur forces scientifiques et culturelles ; de l'autre
côté, des pays dits émergents où l'industrie serait reléguée, pays qui
seraient confinés dans la seule production matérielle. Tel avait été le
cas jusqu'aux années 1980 lorsque les « dragons » (Japon, Taïwan,
Singapour, Hong Kong) se contentaient de copier les produits. Tel n'est
plus le cas. On observe en Chine une dynamique similaire à celle qu'ont
connu les pays européens détruits par la Seconde guerre et qui se sont
reconstruits en copiant d'abord et qui, dès les années 1960, sont entrés
dans une économie de l'innovation et ont commencé à concurrencer les
États-Unis dans l'aviation, l'automobile, la chimie, etc. La Chine ne se
contente pas de copier les produits américains. Elle copie l'Amérique
financièrement, culturellement, scientifiquement et militairement. Dans
les cinq ans qui viennent on peut imaginer que les États-Unis, grâce à
leur supériorité militaire, conserveront encore leur seigneuriage
monétaire et les rentes qui vont avec, que l'Europe, faute de puissance
hégémonique, maintiendra difficilement les rentes de souveraineté liées à
l'euro et sera obligée de s'aligner davantage sur les États-Unis, et,
enfin, que la Chine entrera partiellement dans le monde de la rente
technologique sans pour autant pouvoir tirer de rentes financières et
culturelles. C'est la situation européenne qui suscite le plus de
pessimisme. Bien que dans la même situation, le Japon reste encore un
pays de production matérielle, ce qui n'est pas le cas de l'Eurozone.
3° What are the structural long term perspectives?
Si
ces tendances s’approfondissent à terme, on observera des
bouleversements dans l'économie des brevets et du savoir. La Chine
semble s'orienter vers une intensification de ses efforts de recherche
dans tous les secteurs. La Russie peut aussi émerger dans ce domaine.
Mais ces deux pays ne pourront pas encore, dans les vingt ans qui
viennent, édifier un système bancaire et financier mondialement
attractif ni susciter l'engouement des populations mondiales pour la
culture chinoise ou russe. Ils ne pourront pas, non plus, dans les vingt
ans, construire une souveraineté hégémonique sur le monde avec des
forces militaires présentes partout et capables d'intervenir partout
pour faire plier des récalcitrants. Le seigneuriage monétaire restera
l'affaire des États-Unis. Ils seront, peut-être, seulement obligés d'en
restreindre les dimensions et lui donner quelques limites.
Il convient d'y ajouter une brève présentation de l'auteur (3-4 lignes).
Ahmed
Henni est docteur en économie de l'Université Paris I Panthéon
Sorbonne. Il est professeur d'économie à l'Université d'Artois.
Spécialiste des questions monétaires et fiscales, il a exercé les
fonctions de Directeur général des impôts en Algérie et a été membre du
Conseil de la monnaie et du crédit.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire